Très intolérant au froid, ce légume exotique dont on consomme les baies oblongues en forme d’œufs, de petits globes ou de mini poire de frappe, s’est progressivement acclimaté en France grâce à l’élaboration de variétés précoces capables de fructifier dès le début de l’été.
Avant d’être associée à la couleur bordeaux de l’uniforme portée par les anciennes terreurs des parcmètres, époque révolue que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, l’aubergine a chèrement vendu sa peau (lisse, évidemment). Entre son adoption très progressive par les populations arabes, qui l’ont longtemps craint, et son brusque regain de notoriété actuel imputable, entre autres, à sa bonne position dans la liste des émojis coquins les plus populaires 🍆dont les amoureux saupoudrent leurs fameux « sextos », plus d’un millénaire s’est écoulé, à un rythme de sablier.
« Œufs du démon » pour les arabes
Originaire d’Asie (avec une première zone de diffusion identifiée en Inde, Birmanie et au sud de la Chine où la plante fut sans doute domestiquée pour la première fois), bien que certaines sources scientifiques le fassent partir d’Afrique de l’Ouest, ce légume-fruit a suivi un parcours atypique qui le différencie de ses illustres cousins américains – la pomme de terre et la tomate – deux solanacées comme lui, ramenées par les Européens du Nouveau Monde vers l’Ancien.
Depuis l’Extrême-Orient, sa propagation très lente sur le pourtour du bassin Méditerranéen fut le fait des musulmans, qui transformèrent en « bâdinjân » l’un de ses très nombreux noms répertoriés en langue sanscrite, à savoir « vatin grana ».
Par effet domino, le mot devint « berenjena » dans la bouche des arabes d’Espagne, puis « alberginia » chez les catalans, racine ensuite reprise entièrement par les tricolores qui, bien plus tard, fixèrent le terme « aubergine » dans le marbre de leur dictionnaire officiel vers 1750.
« Eggplant » pour les Anglais
« Bâdinjân » ou « Bathinjan », dont dérive l’appellation vernaculaire française, pourrait être traduit dans l’arabe de l’époque par « œufs du démon » « source : Reem Kassis, « The arabesque table ». Une métaphore qui en dit long sur la réputation assez sulfureuse dont souffrait le légume à son origine.
D’ailleurs, sa morphologie la plus commune semblait d’autant mieux l’apparenter à un œuf de poule que son fruit était petit et blanc : les anglo-saxons continuent d’ailleurs à l’appeler « eggplant », un sosie qui, de nos jours, s’incarne parfaitement dans une variété très ancienne et vraiment savoureuse, l’aubergine blanche ronde à œuf, longtemps réduite chez les Britanniques à une fonction purement ornementale.
Mais rebroussons chemin et revenons au temps des mille et une nuits, d’Aladin et d’Ali Baba : la chair pâle à la texture molle et spongieuse de ce fruit criblé d’épines rebutait les âmes sensibles de cet âge médiéval. Si bien que les pires rumeurs courraient sur son compte, souvent à tort, parfois à raison puisqu’il est établi que sa peau contenait certains composants potentiellement toxiques, à l’exemple des saponines, responsables de son amertume, entre autres désagréments mineurs.
Au point qu’un très célèbre savant arabe du Xᵉ siècle, Rhazès, pourtant pas complotiste pour un dinar, alla jusqu’à soupçonner l’aubergine d’enflammer le sang et de provoquer une éruption de pustules dans le palais (celui de la bouche, pas la demeure de Shéhérazade et de son prince charmant).
« Pomme malsaine » pour les latins
À la vérité, dans un élan purement instinctif, et ce, jusqu’à la fin du Moyen-Age et même au-delà, dans certains pays, comme en France où elle mit du temps à inspirer confiance, l’aubergine fut associée à certaines plantes dites « à sorcière », la belladone, la jusquiame, la morelle noire, elles aussi classées dans la famille des solanacées.
De l’autre côté des Alpes, les Italiens, à qui l’on doit les variétés Rosa Bianca et Violette de Florence, ont été moins réticents : et c’est bien à leur insu que leur « melanzena » (ainsi baptisèrent-ils « l’aubergine ») aurait été déformée par les latinistes d’Europe du Nord en « mala insana », littéralement « pomme malsaine ». Ou bien est-ce l’inverse ?
Toujours est-il qu’au gré des sélections et des hybridations, ces freins psychologiques et ces petits défauts gustatifs, qui paraissaient rédhibitoires à la ville comme à la campagne (et jusque dans les palais de la République), ont été peu à peu levés. Aujourd’hui, l’aubergine se décline en plusieurs centaines d’individus longs ou ronds, le plus souvent blancs, violets ou d’un pourpre profond tirant sur le noir.
Des variétés « modernes » à la pelle
Des variétés précoces (Baluroi, Hâtive de Barbentane) capables de développer des fructifications à partir de juillet, ont permis à cette plante très frileuse de s’implanter au nord de la Loire.
Parmi les longues, la Dourga produit des fruits blanc-ivoire d’environ 20 cm et la Black Beauty, très commune sur les marchés, se caractérise par de grosses baies d’une quinzaine de centimètres, de forme ovale, à la chair ferme.
Parmi les rondes, citons la variété naine Ophelia, particulièrement riche en saveurs (avec ses petits fruits de moins de dix centimètres, assemblés en grappes de trois) et la Ronde de Valence, plutôt adaptée aux climats chauds.
Beaucoup d’obtenteurs, soucieux de combiner les plaisirs esthétiques et les aspects pratiques (en faisant disparaître les épines pour faciliter la récolte) ont donc joint l’utile à l’agréable en élaborant des cultivars bons au goût et beaux à l’œil, à l’image de ces aubergines violettes striées de blanc : la grecque Tsakoniki, et la provençale Riado.
Précision importante : l’aubergine ne se récolte pas à complète maturité, sous peine d’obtenir un fruit terni sécrétant des graines endurcies. La brillance de la peau et la verdure de pédoncule sont des signes tangibles de fraîcheur.
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« Aubergines et poivrons : à semer tôt ! »
En conclusion : L’origine indo-birmane de l’aubergine transpire jusque dans ses besoins physiologiques : plante exotique et mets d’été par excellence, elle peine à se développer sous les climats un brin trop frisquets. Un emplacement très ensoleillé et une température minimale de 20 à 25 degrés en journée (et, dans l’idéal, pas moins de 15 degrés la nuit) lui sont nécessaires pour se développer en toute quiétude, surtout lorsqu’elle amorce sa fructification (après la floraison). Les sombres prophéties qui annoncent une multiplication des épisodes caniculaires dans les prochaines années pourraient même l’amener à élargir son périmètre de culture sous les latitudes plus septentrionales, notamment au nord de la Loire. Les esprits chafouins en déduiront qu’on n’est pas sorti de… l’aubergine !
Merci pour toutes ces infos, et si vous avez en stock les infos concernant le type de sol le plus favorable à la culture de l’aubergine, ce serait intéressant.
merci encore
D.VERGER
L’aubergine apprécie les sols riches en humus. L’idéal est d’enfouir du fumier ou du compost à l’automne. Sinon, vous pouvez ajouter un mélange de terreau de fumier avec un engrais de fond.
Cette année, je vais essayer la culture des aubergines car il existe des races que l on ne trouve pas ,notamment les mini.
Merci de vos conseils