Vous l’aurez compris : la seconde découle de la première, une cucurbitacée dont la souche sauvage, très ancienne, se situerait aux confins du Mexique et du Texas actuels. Mais c’est dans l’ « Ancien Monde », le nôtre, en Europe, et plus spécifiquement dans l’Italie morcelée du XVIIIème siècle, que la courgette, au sens botanique du terme (le Larousse français enregistre l’appellation en 1929), prend sa source historique.
Au-delà du suffixe, qu’est-ce qui distingue la courge de son diminutif ? Par souci de clarté, mieux vaut prendre la maille à l’envers et reconstituer, à grands traits, la trame commune qui rapproche ces deux sœurs siamoises (ou presque): leur identité, inscrite dans le génome des cucurbitacées, les placent au même rang que les cornichons, les melons ou la citrouille, des fruits que l’on prépare et consomme aujourd’hui comme des légumes ou des condiments.
A l’instar de ces cousins plus ou moins éloignés, la courge émarge à l’extrémité gauche de la ligne du temps, dans ces époques reculées, protohistoriques, où les hommes vivaient de cueillette et s’approvisionnaient au hasard des dons prodigués par la Nature. Il y a 12 000 ans, période où l’agriculture n’avait pas encore fixé l’Homme à la terre, les populations d’Amérique centrale consommaient les éléments comestibles offerts, en libre-service, par ce genre de « cucurbita » si peu charnue qu’elles en évidaient le fruit ensuite pour s’en faire des récipients pour le transport des liquides.
La révolution néolithique (à partir de – 9 000 av JC environ), qui s’accompagne d’un long et progressif travail de domestication des végétaux, corrélé à la sédentarisation des sociétés humaines, donne lieu à la sélection de plusieurs espèces* : l’une d’elles, le cucurbita pepo, introuvable à l’état sauvage, regroupe encore aujourd’hui de très nombreuses variétés de courges. Des fouilles archéologiques en signalent la présence dès 8 750 avant notre ère au sud du Mexique actuel (Oaxaca), et au centre de ce même pays, sur la côte-est (Etat de Tamaulipas) vers – 7000. Au-delà du Rio Grande, des traces de cette culture ont été identifiées jusque dans le Missouri (-4000) et le Mississipi (- 1 400) sans qu’il soit possible d’établir avec certitude si l’apparition de ces foyers nord-américains résulte d’une connexion avec leurs homologues méridionaux, ou d’une création agricole ex nihilo relevant des autochtones.
Bien plus tard, à partir du XIXème siècle, des botanistes se sont employés à remonter l’arbre généalogique de cucurbita pepo en vue de le rattacher à des géniteurs primitifs, jamais domestiqués par l’Homme. Deux thèses, échafaudées par des chercheurs, lui prêtent, pour l’une, une ascendance directe avec Cucurbita Texana (sud-est du Texas) et pour l’autre, une filiation avec la mexicaine C. Fraterna, sans exclure la piste d’hybridations réalisées à partir de ce binôme sauvage et mésophyte, auquel cas C. pepo serait une « compiloespèce ». Vous suivez ?
Les choses se compliquent encore lorsqu’on se place sur le terrain de la sémantique : le nom scientifique cucurbita, qui désigne aujourd’hui les courges d’origine américaine, fut introduit a posteriori par les Européens, lesquels usaient déjà du terme sur le Vieux Continent à l’endroit d’autres variétés connues, importées des régions tropicales d’Asie ou d’Afrique : à preuve, dès l’Antiquité tardive, bien avant que Christophe Colomb ne traverse l’Atlantique et découvre, par-delà l’océan…la courge véritable, le manuel culinaire romain De re coquinera (IVème siècle de notre ère) fournissait déjà une dizaine de recettes gastronomiques qui mettent à l’honneur les « Cucurbitas ».
Quatre siècles plus tard, ceux-ci figurent à nouveau dans le capitulaire De Villis publié par Charlemagne à l’intention des gouverneurs de ses domaines (VIII/IXème siècle) : l’Empereur d’Occident y préconise notamment la culture du concombre (cucumeres), du melon (pepones) et de la calebasse, appelée « cucurbita », qualificatif devenu impropre au regard des classifications officielles mises au clair par l’agronome de Versailles Antoine Nicolas Duchesne dans son « Histoire naturelle des courges » (1786) et par le botaniste français Charles Naudin vers 1860. La manuscrit « Ménagier de Paris » (1394) évoque également la « courge »…qui devient « congorde » dans le livre de cuisine de Guillaume Tirel, dit Taillevent (même époque) et « zucche » chez le chef italo-suisse Maestro Martino (XVème siècle).
La « cogourde » du Moyen-Age
Le fait est qu’il existait bien une « courge » dans les campagnes et les villes de l’Europe Médiévale. Mais celle-ci n’avait rien à voir avec le C. Pepo, ramené plus tard du Mexique et de Cuba par les Conquistadores (XVIème siècle), espèce locale par excellence que les amérindiens du cru avaient d’ailleurs baptisée askutasquash (signification en langue algonquienne : pour être mangé vert). Dans la France des premiers rois Capétiens (Xème-XVème), la courge, cogourde ou encore courde et gourde faisaient référence à un même légume, lui aussi répertorié parmi les cucurbitacées : il s’agissait de la calebasse** (genre : lagenaria, photo-ci-dessous) dont les fruits comestibles étaient, une fois séchés, également utilisés pour fabriquer des contenants, comme au Paléolithique (d’où son nom de « gourde », lui-même dérivé de Cucurbita dont la racine latine double syllabique « cucu » renverrait au concept de creux et de rotondité propre aux récipients).
Parvenue sur le vieux continent par l’entremise des marchands et des explorateurs partis aux Amériques, la courge moderne (cucurbita pepo) s’installe progressivement dans les jardins botaniques et fait l’objet, plusieurs siècles durant, de nombreuses sélections afin d’en améliorer le rendement et la constitution (celle des fruits notamment). Un gros tournant s’opère au XVIIIème siècle, en Italie : des plants, récoltés avant leur complète maturité (environ 60 jours après le semis de printemps, contre 3 à 4 mois habituellement), donnent naissance à la courgette, une petite courge cylindrique (entre 15 et 25 cm), longue ou ronde, verte ou jaune selon les variétés. Progressivement, la plante se diffuse en Occident, jusqu’en France où, à partir de la Méditerranée, elle finit par supplanter l’ancienne « cogourde ».
La courgette, composée à plus de 90% d’eau, est très peu calorique (15 calories sur une portion de 100 gr) mais fournit un taux élevé de minéraux (230 mg de potassium pour 100 gr), oligo-éléments et vitamines (A, B3 et C).
Aujourd’hui, le catalogue officiel français regroupe plus de 130 variétés de courgettes (380 dans le catalogue européen des espèces et variétés, dont de nombreuses hybrides F1).
*les Cucurbitas maxima (potiron) et Moschata (courge musquée, doubeurre) ont leurs berceaux respectifs en Amérique du Sud et centrale. Elles sont ajourd’hui cultivées sur tous les continents.
**à ne pas confondre avec l’arbre tropical homonyme, le calebassier, issu d’une autre famille végétale (bignoniacées).
😃Bonjour! dans notre potager nous cultivons , en plus des courgettes Italiennes, la Longue de Nice. Elle naît courgette et finit en courge😂Nous ne la consommons pas quand elle est verte, mais en pleine maturité quand sa chair est bien orangée. Cela nous permet de la cuisiner en poêlée, (gratins) tout l’hiver + en tronçons pour les potées. Poêlée elle a un goût très fin, cuisson terminée à feu vif permet de la caraméliser ( je n’ai pas dit cramer!). sans adjonction de produits sucrés. Chair dense, après congélation ne se délite pas réchauffée ou à cuisiner.
Cordialement 👋