Les français consommeraient aujourd’hui six à sept fois moins de légumineuses qu’il y a un siècle. Les différentes variétés liées à cette grande famille potagère –les Fabacées ou Fabaceae selon la terminologie officielle – présentent pourtant des atouts nutritionnels et des vertus écologiques qui, à l’heure de l’agriculture durable et des régimes végétariens, tendent à les remettre à la page. Exemple avec le pois chiche et la lentille.
Au IIème siècle avant notre ère, un pharaon égyptien –Ptolémée IX, d’origine grecque- et un illustre homme d’Etat officiant dans les arcanes de la République Romaine –le célèbre Cicéron, avocat par ailleurs et grand intellectuel devant l’Eternel, en l’espèce Jupiter – ont été bassement qualifiés de « pois chiches » par leurs ingrats de contemporains. Loin de vouloir réduire à l’infiniment petit les mensurations de leurs cervelles de monarques et, par-là même, leurs capacités neuronales à diriger un pays aussi vaste que le leur, ce sobriquet assez peu flatteur dont on les avait affublé faisait plutôt référence à une particularité physique que l’un et l’autre ont traînée comme un boulet…à leur profit cependant puisqu’une grande part de leur postérité respective découle de cette petite imperfection à fleur de peau : la légende dit que Cicéron comptait dans sa longue généalogie bourgeoise un ancêtre affligé d’un pif duquel émergeait une verrue si grossière qu’elle a remonté le temps jusqu’à lui (d’où son surnom Cicero, qui veut dire « pois chiche » en langue morte). Même sanction pour Ptolémée qu’une protubérance indurée sur le visage a profondément marqué au fer dans le grand marbre de l’Histoire (ses pairs lui ont attribué le qualificatif Lathyros qui signifie aussi « pois chiche » en vieux grec).
Au-delà de l’anecdote qu’ils véhiculent, ces deux épisodes traduisent l’importance de la légumineuse dans les garde-manger de ces deux sociétés antiques et, par ricochet, leur large diffusion dans le folklore et la culture populaire de l’époque. La lentille, elle, jouit de références encore antérieures : la Bible l’évoque dans son récit consacré à Esaü, lequel troque avec son frère son droit d’ainesse contre un plat de cette nourriture abondamment produite au Proche-Orient depuis que l’agriculture a sédentarisé l’Humanité (-10 000 environ).
La « viande du pauvre » ?
Leur acclimatation primitive aux contrées méditerranéennes explique leur goût pour les températures chaude le sens de leur dispersion géographique au cours des cinq ou six derniers millénaires, depuis l’ancienne Mésopotamie vers l’Asie Mineure, jusqu’en Afrique du Nord enfin d’où elles ont rejoint le sud de l’Europe. Très longtemps, lentilles et pois chiches ont constitué l’aliment de base de nombreuses civilisations occidentales (les moines des couvents médiévaux en faisaient leurs choux gras) : très souvent servis en purée ou en bouillie, que les mains les plus lestes relevaient parfois d’épices, les deux mets étaient appréciés pour leur haute valeur nutritionnelle qui, a posteriori, leur a chacun valu de recevoir l’appellation de « viande du pauvre » (au même titre , d’ailleurs, que bien d’autres Fabacées) : 100 grammes de lentilles sèches garantit un apport moyen de 27,7 g de protéines (8,6 g si elles sont cuites). La même quantité de pois chiches secs en fournit 20,5g (8,31 après cuisson). A titre de comparaison, 100 grammes de viande rouge contient une teneur protéinique de 26,1g et celle d’une portion équivalente d’œufs durs se situe autour de 13g* (source : table de composition nutritionnelle de Ciqual établi par l’Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’Alimentation, de l’environnement et du Travail, ).
La généralisation du régime carné dans beaucoup de pays dits « développés » (entre le XIXème et le XXème siècle) y a progressivement éclipsé la consommation des légumes secs, tombée aujourd’hui à moins de 2 kilos par habitant en France, contre 6 kilos au niveau mondial (source : Agreste, l’outil statistique du Ministère de l’Agriculture). Selon un rapport réalisé et édité en 2016 par le réseau Action Climat et Solagro, l’Hexagone concentre à lui seul 15% des surfaces agricoles européennes semées de légumineuses, les pois chiches et les lentilles provenant surtout d’Espagne** (75% de la production de l’UE). Le document, intitulé « les légumes secs au secours du climat » insistait sur les vertus écologiques de cette espèce végétale capable de fixer dans le sol l’azote présent dans l’atmosphère et ainsi d’agir comme un engrais vert naturel.
Un semis au printemps
Au potager, le semis des lentilles et des pois chiches débute généralement après les dernières gelées, entre mars et avril. La récolte intervient 4 à 6 mois plus tard, de juillet à septembre. Dans les deux cas, il convient de choisir un sol réchauffé par un thermomètre affichant, dans l’idéal, des minimas de 10 à 15 °C, et un emplacement exposé au soleil (à noter toutefois que, très ponctuellement, le pois chiche résiste mieux aux températures négatives que la lentille). Un petit arrosage –voire un simple mouillage- suffit au moment du semis puis, une dizaine de jours plus tard, lors de la levée, surtout sous les climats secs et chauds (l’opération est facultative dans les régions plus tempérées offrant des étés moins longs et plus doux).
Les deux plantes développent des gousses assez courtes qui renferment 1 à 2 graines chacune.
Pour avoir essayé la culture de pois chiche au Jardin d’Essai en 2018, nous avons été agréablement surpris par cette plante ! En effet la culture est simple, le pois chiche est une plante vigoureuse qui se pare de très nombreuses fleurs blanches, très ornementales. S’en suit l’apparition des gousses, plus petites que celles de pois (Pisum sativum) et qui ne renferment que deux grains… Et c’est en effet là que le bât blesse, au moment de la récolte qui est un peu fastidieuse. En tant que jardinier amateur, sans moissonneuse, la récolte de la multitude de gousses se fait à la main, une à une, puis vient l’écossage. Pour cette dernière dernière étape, on vous donne une astuce : attendez que les cosses soient bien sèche puis répartissez-les au sol sur une bâche, il ne vous reste plus qu’à marcher dessus, les cosses cassent sous vos semelles et libèrent les deux grains. Un petit nettoyage pour enlever les débris de cosses et votre récolte est terminée !
Côté rapport quantité/effort, ne vous attendez pas à des miracles, nous avons récolté à peine deux bocaux de 1L avec deux rangs de 9m. C’est peu face au temps passé, mais la satisfaction de faire un houmous VRAIMENT maison efface le dur labeur ? . Pour preuve, cette année nous remettons le couvert avec deux variétés de pois chiche en test et on essaye également la lentille !
*Attention toutefois à bien distinguer protéines végétales et animales : leur principale différence tient à leur composition en acides aminés.
**Face à un fort regain de la demande (+12% en 2017), l’Association nationale des Interprofessions de légumes secs (Anils) signalait l’an dernier une très forte augmentation des surfaces dédiées aux cultures de pois chiches et de lentilles sur le marché productif tricolore, de +105% pour les premiers entre 2016 et 2017, et de +62% sur la même période pour les secondes.
Bonne idée d’expérience, j’avais bien pensé aux lentilles pour ma part mais pour une famille de 5 faut certainement en semer pas mal